CHAPITRE X

Le cargo Badinage quitta en douceur l’hyperespace et se dirigea vers Bimmiel. Corran Horn appréciait la maniabilité du vaisseau. Ça n’avait rien à voir avec une aile X. Mais au moins, il n’avait pas l’impression d’essayer de manœuvrer un planétoïde !

– Temps estimé d’arrivée, trente minutes.

Ganner observait un hologramme triple. Une des images montrait Bimmiel, une boule couleur kaki rayée de bleu. Une deuxième image montrait la flore et la faune de la planète. La dernière était celle d’un satellite de communication qui semblait avoir perdu son antenne.

– Le satellite est endommagé. Le pulsar rend déjà les communications difficiles, mais sans le relais, les messages ne risquent pas de quitter la planète.

Corran hocha la tête.

– Avons-nous les codes d’interrogation du satellite ?

Ganner saisit une série de commandes sur la console de communication.

– Soit ils ne sont pas bons, soit le satellite, sans antenne, ne peut pas nous recevoir. Je peux utiliser la Force pour l’amener à bord, afin d’entrer en contact direct par câble.

– Ça n’est pas l’essentiel pour le moment. Le satellite est en orbite géosynchrone avec la base, non ?

– Oui. Ils sont là-dessous, sur le continent nord.

– Et le temps ?

– Des tornades de sable… L’air sera poussiéreux mais respirable, avec des filtres.

– Pas comme sur Belkadan ?

– Il n’y a aucune indication de modifications atmosphériques anormales. Nous ne savons pas à quoi nous attendre : le rapport des Impériaux ne disait pas grand-chose sur les formes de vie, mais j’en sens un grand nombre. Pas vous ?

– Oui.

– Je ne perçois pas d’indice de la présence des Yuuzhan Vong. Et pas question de savoir si les dégâts du satellite viennent du plasma des coraux skippers ou sont l’œuvre d’une météorite.

– Je sais qu’on ne peut pas attribuer tous les problèmes aux Yuuzhan Vong. Nous ignorons s’ils sont là.

Bien entendu, comme nous ne pouvons pas les sentir à travers la Force, la seule façon de savoir est de les voir devant nous. Une idée qui ne m’enchante pas…

– Notre mission est de trouver l’équipe scientifique et de la sortir d’ici.

– Simple, dit Ganner.

– Sauf si nous la compliquons à plaisir. Je vais essayer de nous poser au plus près de leur campement.

Le cargo, un YT-120 corellien modifié, avait la forme d’un disque plat. Sa masse l’empêchait d’être trop secoué par les bourrasques. Corran avait réglé les compensateurs d’inertie sur quatre-vingt-dix pour cent pour mieux « sentir » la façon de voler du cargo.

Pour légères qu’elles fussent, les turbulences firent pâlir Ganner, ce qui ravit Corran. Le voyage avait duré quelques jours, et leur relation, même si elle s’était améliorée, ne donnait à Corran aucun espoir que son compagnon change sa façon de voir. Et le Corellien n’avait pas l’intention d’adopter ses vues sur l’utilisation de la peur pour obtenir la coopération des gens.

Il était très impressionnant.

Il a trop confiance en lui et il est trop arrogant. A part ça, c’est l’image parfaite du Chevalier Jedi.

Corran posa le vaisseau. Du sable soulevé par le vent obscurcit la verrière.

– J’ai l’impression que nous nous sommes enfoncés dans le sable, dit Corran. Nous ne sortirons pas par la passerelle de débarquement, mais par l’écoutille supérieure.

Ganner hocha la tête, tendant à Corran une paire de lunettes et un respirateur à comlink intégré.

– Il y a quelque chose sur les détecteurs, vers l’ouest. Probablement leur camp.

– Des formes de vie sur la planète ?

– Oui, mais pas humaines. (Ganner ferma les yeux un instant.) Des créatures de petite taille. Rien d’inquiétant.

– Merci, dit Corran.

Il gravit l’échelle menant à l’écoutille et l’ouvrit. Une pluie de sable se déversa sur lui.

La fraîcheur du vent le surprit.

S’éloigner de son soleil a rendu ce monde plus froid. Il n’y fait pas chaud comme sur Tatooine, mais c’est aussi poussiéreux !

Il jeta un coup d’œil au-dessous de lui pour voir comment Ganner se débrouillait avec le sable. Il avait créé un dôme de Force pour se protéger.

Très futé !

Ganner poussa le dôme devant lui sans étendre sa protection à Corran, qui trouva cet emploi de la Force un peu puéril.

Corran avança au bord du cargo, regardant le sable s’entasser contre le flanc bâbord. Il aperçut au loin une petite pyramide rougeâtre qui indiquait sans doute l’emplacement du camp de l’équipe universitaire.

– Ça n’est pas si haut, dit Ganner.

Ganner sauta...

Et s’enfonça dans le sable jusqu’à la taille.

Il serra les poings, puis remonta sur la coque du cargo en lévitant, ses bottes et son pantalon couverts de poussière.

– Plus haut que ça y paraît, hein ? fit Corran.

Ganner eut un rictus.

– Prenons-nous les motospeeders ?

– Non. La poussière de sable les ferait caler.

– Comment allons-nous rejoindre le camp ?

– En marchant.

Corran sauta et se reçut à quatre pattes. Il s’enfonça un peu dans le sable entre deux dunes. Se relevant, il avança avec précaution.

– Comment as-tu fait ? s’étrangla Ganner. Tu n’as pas une maîtrise suffisante de la Force pour…

– Déplace-toi dans les tranchées, entre les dunes. Les particules les plus légères s’envolent, les plus lourdes s’enfoncent et sont plus compactes. Ça n’est pas génial, mais on peut marcher.

Le Corellien arriva au camp des savants en quelques minutes. Des rochers en délimitaient le périmètre et des poteaux sortaient encore du sable. Des morceaux de tissu, sans doute des lambeaux de tentes, s’y accrochaient encore. Utilisant la Force, Corran chercha de la vie sous le sable. Il trouva des insectes et des petits mammifères, sûrement des rongeurs.

Il se tourna vers Ganner.

– A part toi, je n’ai rien détecté de très volumineux.

– Idem pour moi. Les petites créatures sont des shwpis. Les rapports des Impériaux indiquaient qu’ils consomment une végétation abondante.

– Ils l’ont si bien broutée qu’il n’y en a plus, dit Corran.

Il sauta sur un rocher.

– Il y a une formation rocheuse plus importante vers le nord-ouest, à cinq cents mètres. Les ouvertures pourraient mener à des caves. On y va à pied ou en volant ?

– Même moi, je me fatiguerais à nous faire léviter sur une telle distance.

– Je ne parlais pas de la Force, mais du vaisseau.

– Oh. Non, je préfère marcher.

– Moi aussi, dit Corran.

Le vent venant de l’ouest, ils purent couper par une tranchée pendant un bon moment. Puis ils durent dépasser une dune avant de rejoindre une autre tranchée. C’était plus facile qu’avancer dans un océan, mais le sable s’infiltrait partout, plus irritant que l’eau. L’effort fit transpirer Corran et l’air frais et sec lui tira toute humidité du corps.

En se dirigeant vers les rochers, il se fia à la Force pour étudier son environnement. Il ne détecta pas beaucoup de shwpis, et le peu qu’il rencontra était paralysé par la peur.

Et toujours, à la limite de sa conscience, d’autres formes de vie bougeaient et se rassemblaient.

Corran continua d’avancer, puis se laissa tomber sur un genou à une centaine de mètres de leur destination, essuyant ses paumes boueuses sur son pantalon.

– Au moins, il ne fait pas chaud comme sur Tatooine, dit-il.

Ganner s’accroupit près de lui.

– Il n’aurait plus manqué que ça !

– J’aurais dû penser à prendre de l’eau.

Il perçut un mouvement à travers la Force.

– Tu l’as senti aussi ?

– Oui. Ça vient le long de cette dune. Et ça se déplace rapidement !

Corran posa la main sur son sabre laser. Une créature filait sous le sable. Son aura dans la Force était brillante, presque aveuglante.

Corran sentit la brûlure sur sa cuisse et baissa les yeux. Son pantalon était entaillé, et sa chair ensanglantée. Ça n’était pas très profond, mais s’il n’avait pas reculé, la blessure aurait été beaucoup plus grave.

– Ça va ? demanda Ganner.

– Oui. Une éraflure. (Il vit la bête revenir vers eux sous le sable.) Attention !

– Elles sont deux, cette fois, et je sens qu’une troisième vient du nord.

Ganner tira son sabre laser, activant la lame d’un jaune sulfureux.

– Nous pouvons les arrêter.

– Ces trois-là, sans doute, mais il doit y en avoir d’autres dans le coin.

Il restait une solution.

– Vite ! Cours vers les rochers !

Les monstres arrivèrent à toute allure pendant que les Jedi fonçaient vers les rochers. Corran se jeta par-dessus une dune et fit un roulé-boulé pour se recevoir de l’autre côté. La créature émergea du sable devant lui.

Corran activa son sabre laser et le brandit. La lame toucha la créature à la mâchoire. De la fourrure grise grilla et du sang noir se répandit sur le sable. La bête essaya de mordre Corran, puis se tortilla sur le sol jusqu’à ce que la vie la quitte.

Elle avait un long museau et un crâne allongé couvert de chitine ou de kératine polie par le sable. Ses membres courts mais puissants se terminaient par des griffes fouisseuses. Couverte d’un duvet gris, la créature battait l’air de sa queue plate écailleuse.

Et elle puait comme l’enfer ! Corran n’avait jamais senti une odeur aussi nauséabonde. Il se retint à grand-peine de vomir.

Il sauta par-dessus le corps et fila vers les rochers, sentant que deux autres animaux arrivaient.

Ils vont me rattraper, à moins que…

Il s’arrêta et se retourna, plongeant son sabre laser dans la dune. Puis il activa la fonction double phase, qui dédoubla la lame et la fit passer de l’argent au pourpre. Quand il frappa, une des créatures tomba raide morte.

Et un Jedi à l’ancienne mode, un ! pensa Corran.

Le Corellien s’aplatit sur le sol quand la seconde surgit de la dune de droite et se rua sur lui. L’attaque arracha un bout de tissu à sa tunique, mais échoua. La bête retomba sur sa congénère mourante et l’attaqua. Le bruit que firent les mâchoires du monstre en se refermant sur l’autre animal poussa Corran à déguerpir au plus vite.

Il aperçut Ganner, un peu au sud. Quelques créatures étaient toujours sur leurs traces, mais la plupart déchiquetaient les cadavres ensanglantés de leurs congénères.

Deux hommes apparurent au sommet de l’avancée rocheuse vers où couraient les Jedi. Ils épaulèrent leurs carabines-blaster et tirèrent sur les créatures.

Corran et Ganner en profitèrent pour courir en droite ligne vers la sécurité des rochers.

Puis Corran coupa son sabre laser et regarda leurs sauveurs.

– Merci !

Une robuste femme d’âge mûr sortit d’une caverne, sous l’abri rocheux. Corran pensa un instant à son beau-père, Booster Terrik, car la femme affichait le même genre d’expression.

Les poings sur les hanches, elle les regarda sévèrement.

– Des Jedi. J’aurais dû m’en douter.

– Que voulez-vous dire ? demanda Ganner.

Elle montra les dunes.